Le Sida se couche à l’Ouest

Publié le par NZAKEUH


Une enquête de NZAKEUH


Le nombre de séropositifs a considérablement augmenté dans la province de l’Ouest. Au point où certains départements (Menoua et Bamboutos) enregistrent un taux de prévalance légèrement au-dessus de 20%. Un chiffre qui se situe au-delà de la moyenne provinciale comprise entre 11 et 12 %. Comment en est-on arrivé là, alors que le Groupe technique provincial (GTP) de lutte contre le VIH-Sida, installé depuis quelques années sensibilise et prévient les populations quant aux dangers que constitue la "maladie du siècle " ? C’est que les habitudes ont la peau dure. Nombre de jeunes, tranche la plus touchée, n’y croient pas encore. Bien de ressortissants de la province parlent de " poison lent " ou de " poison de nuit " pour désigner un décès survenu des suites de la pandémie. Or, comme on le sait, le Sida tue.
A travers quelques clichés, Mutations rend compte d’une situation qui prévaut sur le terrain. Une situation qui , à court terme, va, à coup sûr, affecter la population active de la province de l’Ouest.

L’environnement
Au mois de juillet dernier, la famille T. conduit l’une de ses filles à sa dernière demeure. Les hommes de sciences laissent croire que la jeune étudiante de l’Université de Dschang a succombé des suites du VIH-Sida. Elle s’en est allée, quelques semaines après le décès de sa sœur cadette, dans les mêmes conditions. Mais, personne dans l’entourage ne veut vraiment raconter ce qu’on pense tout bas. Simplement, on veut expliquer cela par le destin fatal. Ou encore par la sorcellerie : " Je crois que c’est le Mekouagne ", déclare laconiquement un membre de la famille, éploré. Pour dire que ce sont les parents qui ont " vendu" leurs progénitures dans des cercles mystiques. On en compte comme ça dans plusieurs familles de la province. De même que les statistiques ont démontré que sur cent cas d’enterrement dans la province, quinze sont causés par la pandémie du siècle. Et que les foyers polygamiques sont les plus affectés. Et que par rapport à d’autres maladies, le Sida frappe les individus les plus productifs, ce qui risque d’affecter les structures économiques et sociales des familles. Lorsqu’un ménage perd son principal soutien économique, sa survie même est menacée. Puisqu’il vend ses biens et puise dans son épargne pour régler des dépenses de santé et les frais d’inhumation. Toutes choses qui ont amené le chef supérieur Bamendjou à organiser tout récemment une séance de dépistage du VIH-Sida à soumettre tous ses notables au test de dépistage. Les résultats ne sont pas encore connus. Cependant, les observateurs s’accordent à dire qu’un pas a déjà été franchi.

700 millions
Certaines entreprises, à l’instar du Pari mutuel urbain camerounais (Pmuc), agence régionale de l’Ouest et du Nord-Ouest, reconnaissent de plus en plus que le Sida est une réelle menace sur la rentabilité de la compagnie. Raison de plus pour qu’il installe une unité qui veille sur la santé d ses employés. Puisque le constat voudrait que, pour rester compétitive, toute entreprise a intérêt à préserver le degré de compétence, l’état de santé et la capacité de gain de sa main-d’œuvre. Tout le monde devrait se sentir concerné. Les anti-retro-viraux deviennent de plus en plus accessibles à toutes les bourses, même s’ils ne sont pas disponibles dans les coins les plus reculés de la province. Parallèlement au processus d’allégement de la dette, le gouvernement camerounais et la Banque mondiale ont concocté un important projet, le Programme multisectoriel de lutte contre le VIH-Sida, dont le financement s’élève à près de 30 milliards de francs cfa. Dans la mise en œuvre d’un plan ambitieux de lutte contre cette pandémie, des structures décentralisées ont été créées dans les provinces. Celle qui existe dans la province de l’Ouest, le Groupe technique provincial, reçoit pas moins de 700 millions de Fcfa pour mobiliser les compétences aptes à riposter au Sida. Mais, les résultats ne suivent pas. Doit-on changer de méthodes ?

L’apport des tradi-praticiens
" La médecine traditionnelle peut guérir le Sida. Nous sommes. Avancés dans nos recherches. Bientôt nous allons mettre sur pied un produit à la fois préventif et curatif contre la pandémie ". C’est la conviction de, Jean Wembé, tradi- praticien à Bafoussam et chercheur agréé par la faculté de médecines et des sciences Biomédicales de l’université de Yaoundé I et de l’organisation mondiale de la santé (Oms) depuis avril 2002. L’entrée de sa clinique traditionnelle érigée en Centre de recherche par une décision du professeur Daniel N. Lantum, coordonnateur national du recensement des tradi- praticiens du Cameroun est couverte d’affiches relatives aux colloques, aux séminaires de médecine, et à la sensibilisation des jeunes contre le Vih-Sida. A la simple lecture du message qui est plaqué, on comprend que ce guérisseur traditionnel s’implique activement dans la lutte contre la terrible pandémie. Embarqué dans le train de cette croisade contre le mal du siècle, Jean Wembé est responsable d’un Groupe d’initiative commune (Gic) d’environ dix tradi- praticiens engagés collectivement dans la recherche d’un vaccin ou d’un médicament qui viendra à bout de cette infection virale. Pour cela, ils se réunissent chaque vendredi pour faire le point sur leur recherche. Démarche solidaire qui justifie qu’en absence de leur leader, n’importe lequel de ces chercheurs associés peut mener un entretien sur les motivations et l’évolution de leurs travaux. "Comme la majorité des Camerounais nous nous sentons interpellés par la pandémie du Vih-Sida.

Nous sommes en train de fournir, dans le cadre de nos recherches, des efforts pour venir à bout de cette maladie. Actuellement, notre groupe a déjà expérimenté une substance de la pharmacopée traditionnelle appelée "Tchoup " qui arrête ces diarrhées violentes qui s’illustrent comme l’un des symptômes les plus néfastes de cette infection à cause de ses effets déshydratants. Pour arriver à ce résultat, notre hypothèse de base a été axée sur les méthodes qu’utilisaient nos parents, dans les temps passés, pour vaincre une espèce de diarrhées violente communément qualifiée de "Tchoupou ". Un autre point sur lequel nos expérimentations semblent concluantes concernes les ingrédients thérapeutiques que nous explorons pour revitaliser et renforcer ce système humanitaire déficient du séropositif ou du sidéen ", explique, tout confiant, Idrissou Fonkou, l’un des chercheurs de cette équipe des tradipraticiens de Bafoussam à laquelle se sont joints deux Lassi et Lokeng venant de Bansoa, dans le département de la Menoua.

D’après notre interlocuteur à l’aide d’une espèce d’araignée datée de puissance divinatoire localement connue sous le nom de " Ghomsi " (le devin de Dieu), ils peuvent définir le statut sérologique d’une personne. En se renseignant par la pose des bâtons codifiés auprès du trou de cet insecte qui les renseigne par les manipulations qu’il en fait. " Les manquements au respect des rites des us et coutumes ancestrales Bamilekés qui entraîne des malédictions telles celle exprimée par le crâne d’un parent ou aïeul décédé (le ndo), celle traduite par un gonflement souterrain d’un endroit des terres familiales (le tchiop) ou celles traduites par le mécontentement des esprits des lieux sacrés peuvent pousser quelqu’un à être contaminée par une personne infectée ", poursuit-il. Avant de préciser que les rites purificatifs ou d’absolution pratiquée pour faire face à ces malédictions ne font aucune confusion entre les effets du vampirisme, des envoûtements, des poisons lents ou poisons de nuit et les symptômes du Vih-Sida. " Bien que ces manifestations présentent des similitudes assez grandes nous disposons, au cours de nos consultations des aptitudes de perception extrasensorielle qui nous permettent de mieux diagnostiquer et discerner les cas ", insiste-t-il. Question pour lui d’apporter des clarifications sur les interprétations culturelles que l’on fait généralement de cette pandémie dans la province du soleil couchant.

En plus de cette équipe de chercheur traditionnel piloté par Jean Wembé, il existe bien d’autres dans cette province. A l’instar de celle dirigé dans le département des Mbamboutos par un tradipraticien surnommé " Sa majesté Dieu d’Appolo " de Batcham dont le dynamisme est perceptible et salué. Une reconnaissance qui signifie que ce déploiement des tradipraticiens de la province de l’Ouest contre la pandémie du Vih-Sida ne laisse personne indifférent. En plus de l’encadrement qu’ils bénéficient auprès de la délégation provinciale de santé publique de l’Ouest, où le Dr Ambroise les associe aux différents séminaires de formation et de recyclage du personnel médico-sanitaire, ils jouissent aussi de la confiance des populations. " L’expérience a montré que les tradipraticiens sont chercheurs tout comme les scientifiques formés dans les facultés ou grandes écoles. De nos jours, il y a un nombre de plus en plus croissant de personnes qui se traitent traditionnellement.

Je connais personnellement plusieurs personnes souffrantes déclarées séropositives qui ont recouvré une apparence de santé normale à l’issu d’un suivi par les tradithérapeutes. Il faut simplement que le gouvernement apporte un appui substantiel à ces derniers afin qu’ils puissent mener des recherches approfondies. Donc, je crois qu’avec plus de considération à l’égard des tradipraticiens les choses vont aller positivement en matière de recherche d’un vaccin ou d’un remède contre le Vih-Sida ", témoigne, avec optimisme Guy Frank Djouwa, un jeune du quartier Nylon à Bafoussam. Et cette considération, Jean Wembé l’a déjà connu depuis 2001 dans le cadre de la lutte contre le cancer où son médicament a été validé. Fort de cette réputation il est décidé à inscrire son nom au panthéon des dompteurs du Vih-Sida ?

 

Publié dans www.jeunessebafou

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